Marche funéraire, désobéissance civile, lettres courroucées au Maire... La population peine à gérer le chagrin causé par les abattages de 120 arbres dans le parc des sources de Vichy entre le 4 et le 7 septembre 2023. Photo Claude Monnier. Tous droits réservés.
Après deux jours frénétiques de nettoyage du chantier et de pulvérisation des souches, la triste semaine du 4 septembre 2023 s'achève par une journée de protestation dans le parc, autour d'un "autel" à la mémoire des arbres disparus, sous l'oeil d'un des nombreux systèmes de vidéo-surveillance de la ville.
A plusieurs reprises, des marches en souvenir des arbres se sont élancées dans le parc et dans les rues, accompagnées par la voix bouleversante d'une chanteuse lyrique.
Deux militants s'enchaînent à un arbre
Auparavant, le 7 septembre, au matin, un jeune couple s'était enchaîné à un arbre destiné à être abattu.
Un impressionnant dispositif de 4 ou 5 voitures de police est rapidement sur place, comprenant des hommes en uniforme et environ 5 fonctionnaires en civil. Un témoin de la scène a entendu les pressions, intimidations et humiliations subies par les deux militants: "Que faites-vous ici, vous ne travaillez pas?" "C'est pas maintenant qu'il fallait intervenir, c'était avant." A plusieurs reprises, des ouvriers s'approchent d'eux avec une tronçonneuse et un coupe-boulon.
Photo Claude Monnier. Tous droits réservés.
Sans doute menacés de lourdes conséquences judiciaires, les jeunes gens finissent par se détacher et sont embarqués chacun dans une voiture de police différente. Les policiers cherchent à comprendre comment le mouvement est structuré, mais les deux jeunes gens ont agi seuls. Ils sont finalement verbalisés d'une amende de 38 euros pour avoir pénétré dans l'enceinte du chantier. L'arbre sera abattu dans l'heure.
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Le Maire menacé d'avoir "la tête coupée"
Le 10 septembre, l'exaspération devient palpable lorsqu'il est révélé qu'un homme, inconnu de la Justice [et du GNSA Vichy Co], a déposé en Mairie une lettre à destination du Maire de Vichy, Frédéric Aguilera. Celle-ci contiendrait des menaces d'avoir "la tête coupée", en lien avec sa décision d'abattre les arbres du parc des sources. L'indigné encourt cinq ans de prison ferme.
Comme l'a fort bien écrit Francis Hallé, qui déplorait l'abattage indiscriminé des arbres en ville:
"en attendant [que les nouvelles plantations poussent], toute une génération de jeunes urbains va devoir vivre sous un "ciel de pétrole", dans un air poussiéreux, sec, chaud, chargé en ions positifs et en gaz polluants; un air beaucoup plus propice à la violence qu'à la méditation." ("Du bon usage des Arbres " Editions Domaine du possible, p. 42)
Cette citation avait d'ailleurs été lue au Maire en personne par des associatifs, en novembre 2022.
Garder un souvenir des arbres perdus
Pour adoucir leur perte, certains ont réussi à prélever des "reliques" sur le chantier. L'un est ému d'avoir pu recueillir la bogue d'un marronnier tombé autour du kiosque à musique, tel Noé recueillant dans son arche une ultime graine face au désastre.
Faute de sauver des arbres vivants, un autre a sauvé des rondelles de tronc abattu, qu'il veut exhiber et même sublimer pour en faire des objets précieux.
Chacun tente d'apprivoiser sa colère et sa consternation face à un désastre qui n'aurait jamais dû arriver.
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